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Accidents de la voie publique : la responsabilité des collectivités en cas de défaut d’entretien ou de signalisation

  • Photo du rédacteur: ROBERT-ROCHAMBEAU Avocats
    ROBERT-ROCHAMBEAU Avocats
  • 23 oct.
  • 5 min de lecture

Par Me Aurélien ROCHAMBEAU, avocat au barreau de Saint-Denis de la Réunion, titulaire du certificat de spécialisation en droit du dommage corporel et de la qualification spécifique en droit des accidents de la circulation.


I. Le fondement du régime de responsabilité : la faute présumée du gestionnaire de la voirie

 

Le droit de la responsabilité administrative consacre depuis longtemps un régime protecteur à l’égard des usagers de la voie publique.

 

L’accident causé par un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public engage, en principe, la responsabilité de la collectivité gestionnaire sans qu’il soit nécessaire d’établir une faute de sa part.

 

L’usager victime d’un dommage sur la voie publique – qu’il soit automobiliste, cycliste ou piéton – bénéficie d’une présomption de faute à l’encontre de la personne publique responsable de l’entretien de l’ouvrage. Il lui appartient seulement de démontrer :

  1. La réalité du dommage ;

  2. Le lien de causalité direct entre ce dommage et le défaut d’entretien.

 

La collectivité ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en prouvant :

  • L’absence de défaut d’entretien,

  • La faute de la victime, ou

  • L’existence d’un cas de force majeure.

 

Cette jurisprudence constante trouve sa justification dans la nécessité d’assurer la sécurité des usagers, mission de service public essentielle attachée à la gestion de la voirie.


II. La notion de défaut d’entretien normal : défectuosité ou absence de signalisation

 

Le défaut d’entretien normal s’entend de toute anomalie de nature à créer un danger anormal pour les usagers.

 

Il peut résulter :

  • D’une anomalie matérielle de l’ouvrage (trou, plaque d’égout manquante, chaussée déformée, etc.) ;

  • Ou d’un manque ou défaut de signalisation d’un danger temporaire ou permanent.

 

Ainsi, les juridictions administratives retiennent la responsabilité du gestionnaire lorsqu’un accident survient du fait d’une bouche d’égout dépourvue de sa grille de protection ou d’une chaussée dégradée non signalée.

 

Les décisions récentes du Tribunal administratif de Pau (2 juin 2025, n° 2300877) et du Tribunal administratif de Toulouse (4e ch., 5 janvier 2023, n° 1905467 et 25 janvier 2023, n° 2002331) rappellent que la collectivité engage sa responsabilité dès lors que le danger excède ceux auxquels un usager normalement attentif doit s’attendre.

 

De même, la Cour administrative d’appel de Lyon (6e ch., 8 novembre 2019, n° 18LY01020) a jugé qu’un défaut de signalisation d’un obstacle imprévisible caractérise un défaut d’entretien normal, engageant la responsabilité du gestionnaire de la voirie.

 


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III. L’absence ou le défaut de signalisation : un manquement caractérisé

 

Le juge administratif assimile depuis longtemps le défaut ou l’insuffisance de signalisation à un défaut d’entretien normal de la voie publique.

 

La collectivité est tenue d’alerter les usagers de tout danger, notamment lorsque :

  • Des travaux sont en cours ;

  • La chaussée est endommagée ;

  • Un équipement de voirie (bouche d’égout, plaque, mobilier urbain) présente une anomalie.

 

L’absence de toute signalisation en présence d’un danger manifeste constitue un manquement particulièrement grave.

 

Le danger doit être prévisible et signalé : la seule présence d’un obstacle visible ne suffit pas à exonérer la collectivité si la zone n’a pas été convenablement sécurisée ou balisée.

 

Le juge apprécie, au cas par cas, si le danger excédait ceux auxquels un usager prudent devait s’attendre. En pratique, une plaque d’égout manquante ou mal refermée, un trottoir effondré ou une tranchée non balisée excèdent manifestement le risque normal de la circulation urbaine.


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IV. La faute de la victime : une cause d’exonération relative

 

La collectivité peut tenter de s’exonérer partiellement ou totalement de sa responsabilité en démontrant une faute de la victime.

 

Encore faut-il que cette faute soit caractérisée et qu’elle ait eu un rôle causal dans la survenance du dommage.

La simple inattention, en revanche, ne suffit pas.

 

Les juridictions administratives exigent une imprudence manifeste : par exemple, un piéton traversant en dehors d’un passage signalé, ou un automobiliste circulant à vive allure sur une route visiblement dégradée.

En l’absence d’une telle imprudence, la responsabilité du gestionnaire de la voirie demeure pleine et entière.

 

C’est ainsi que les juridictions ont rappelé que le piéton, circulant avec prudence et sur une voie publique ouverte, ne saurait être considéré comme fautif lorsqu’il chute dans une bouche d’égout dépourvue de sa grille et non signalée.


V. La position de l’administration : confirmation du principe jurisprudentiel


La réponse ministérielle publiée au Journal officiel du Sénat le 2 février 2023 (Ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur et du ministre de la Transition écologique, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité) a réaffirmé avec clarté les obligations pesant sur les collectivités territoriales.

Le ministère y rappelle que :

« La responsabilité d’une collectivité territoriale peut être engagée lorsqu’un dommage trouve son origine dans un défaut d’entretien normal de la voie publique, ce défaut pouvant résulter de l’absence de signalisation d’un danger connu ou prévisible. »

Cette réponse confirme la ligne constante de la jurisprudence administrative :

  • L’entretien normal de la voirie inclut une obligation de surveillance effective et de signalisation appropriée des dangers.

  • Les collectivités doivent mettre en Å“uvre une vigilance proportionnée à la nature et à la fréquentation de leurs voies.

Ainsi, la doctrine administrative et la jurisprudence convergent : la sécurité des usagers prime sur toute considération budgétaire ou matérielle d’entretien.

 

VI. Conséquences pratiques et démarches pour les victimes


La victime d’un accident causé par un défaut de la voie publique dispose d’un recours en responsabilité contre la collectivité gestionnaire.

 

La procédure implique :

  1. Une réclamation préalable indemnitaire adressée à la collectivité concernée ;

  2. En cas de silence ou de rejet, un recours devant le tribunal administratif compétent.

 

L’accompagnement d’un Avocat spécialiste en accident est plus que recommandé pour faire reconnaitre la responsabilité de la collectivité et obtenir évaluation et indemnisation des préjudices.

 

Les préjudices indemnisables couvrent l’ensemble du dommage corporel, (déficit fonctionnel permanent, souffrances endurées, pertes de gains, incidence professionnelle, etc.).


Accident de la voie publique : conclusion

 

La voie publique doit être entretenue et signalée de manière à garantir la sécurité des usagers.

 

Toute défaillance dans l’entretien ou la signalisation engage la responsabilité de la collectivité, dès lors que le dommage résulte directement de ce manquement.

 

La jurisprudence récente comme la doctrine administrative rappellent que la sécurité routière et piétonne est une composante essentielle du service public de la voirie.

 

Les collectivités doivent donc assurer une vigilance constante sur l’état de leurs infrastructures, et les victimes disposent de recours effectifs pour obtenir réparation.


Contact


Maître Aurélien ROCHAMBEAU, titulaire du certificat de spécialisation en droit du dommage corporel et de la qualification spécifique en droit des accidents de la circulation, accompagne les victimes d’accidents de la voie publique dans la défense de leurs droits et la recherche d’une indemnisation intégrale de leurs préjudices.

 

Pour toute demande d’analyse ou d’accompagnement, vous pouvez contacter le cabinet en cliquant ici.





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